dimanche 18 mars 2012

Rêve. Partie III.

Bon, la Constitution est réformée, le SMIC supprimé, le salaire complet instauré, le foncier rénové, la fiscalité remodelée. Je peux donc m’attaquer à trois sujets sensibles au possible: la retraite, les autres assurances sociales, le droit du travail.

La retraite

  Enfantée dans la douleur (manifestation sur manifestation, grève sur grève), ma réforme permet d’en finir avec la retraite à prestation définies: le système retenu ne peut pas faire faillite, puisque seul l’argent qui est entré dans les caisses peut en sortir, suivant le nombre de points accumulé par le pensionné. Parallèlement à ce système de répartition, les Français peuvent se muer en atroces capitalistes: vive la retraite par capitalisation à cotisations définies (même principe que pour la répartition, mais en plus intéressant). Bizarrement, je pressens que les zélotes de la répartition disposeront d’un confortable matelas une fois la réforme passée…

Les autres assurances sociales

- L’assurance-maladie est libéralisée. Les Français peuvent donc, s’ils le souhaitent, contracter avec des établissements privés, à but lucratif ou non. Pour calmer les socialistes, j’agrémente la libéralisation de l’interdiction pour une caisse de refuser de contracter pour un motif étranger à l’indigence ou au type de profil (précision: l’âge ne relevant pas de cette dernière catégorie). L’établissement des polices, les prix, les franchises, etc… sont du ressort de l'organisme qui cherche à capter une clientèle, dans une certaine mesure (établissement provisoire d’un plafond pour les franchises et les quotes-parts).

- Les soins de longue durée font l’objet d’un régime spécifique, consistant en un plafond de primes et en un plancher de remboursements, établis de concert avec les assureurs.

- L’assurance maladie publique survit au profit des indigents et des profils beaucoup trop risqués (antécédents médicaux dus à une cause étrangère à leur comportement et à l’âge, à l’exclusion des fumeurs ayant subi durant une part notable de leur vie la taxation vexatoire sur le tabac). Contracter avec la caisse n’est qu’une faculté. L’assurance est financée par le budget général de l’Etat, et par les cotisations minimales de ceux qui le peuvent. Pour éviter un dérapage des finances, les bénéficiaires du régime public pourraient se voir imposer certaines prescriptions (l’arrêt du tabagisme, l’interdiction de l’alcool, l’obligation de passer par un médecin généraliste avant d’atterrir devant un spécialiste… bref tout ce que la Sécu tente aujourd’hui d’appliquer à l’ensemble de la population; c’est moche, mais on ne peut pas faire cohabiter socialisme et liberté).

- Un panier de soins indicatif est établi, distinguant les catégories de soins et les remboursements afférents jugés “adaptés” par le Parlement, reprenant grosso-modo les taux de remboursement de la Sécurité sociale actualisés.

- Une épargne spécifique à la santé est créée, permettant de faire face aux coûts imprévus, à l’augmentation des primes avec l’âge,…

- L’assurance-chômage et le marché de l’offre d’emploi sont libéralisés, Pôle Emploi privatisé. Après tout, rien n’empêche des “gens-concernés-de-gauche” de mettre en place une Bourse du Travail ou une association pour le placement des “victimes de l’ultra-libéralisme” (sur leurs deniers bien entendu).

- La formation continue est libéralisée.

  Bien entendu, du fait de l’établissement du salaire complet, c’est à l’individu souhaitant bénéficier de l’une de ces assurances sociales de verser de sa poche la cotisation nécessaire.

La réforme du droit du travail

  C’est là qu’on va entendre hurler à la domination ultra-libérale, à l’anti-humanisme du gouvernement et autres billevesées syndicalistes.

  Pour commencer, je fais réformer le droit de grève, sans changer sa définition: conflit collectif (pas moins de 2 sauf revendication au niveau de la branche), revendications d’ordre professionnelle (la preuve de ceci revenant au salarié). Exit les grèves sauvages, les grèves “partielles”, les grèves “de solidarité”. Mieux, les “revendications nationales” cessent d’exister juridiquement: elles deviennent au plus une appellation générique pour plusieurs conflits collectifs ayant lieu en même temps en divers points du territoire. L’employeur a le droit d’embaucher en CDI (vous allez comprendre) durant la grève, il peut verser des primes d’assiduité aux seuls non-grévistes (si le contrat le prévoit).

  Ensuite, je fais réformer les CE. Ils deviennent facultatifs et consultatifs. Les obligations d’information deviennent de simples facultés. Les “attributions sociales et culturelles” disparaissent, les attributions économiques se limitent à 2 consultations par an, sur le volume de l’effectif, la durée du travail, les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle.

  Le CDD devient la forme normale de la relation de travail, fixé en l’absence de prévisions contractuelles à 7 ans, les abus étant encadrés par le pouvoir prétorien (fixation d’office à 7 ans et pénalité pour l’employeur). Le CDI redevient vraiment un CDI, c’est à dire un contrat que l’on peut rompre n’importe quand, une fois les conditions de licenciement remplies (en cas d’abus manifestes, la requalification en CDD de 7 ans est encourue). S’agissant du licenciement, l’indemnité n’est plus due de plein droit, dépendant de la faute de l’employeur (elle-même dépendante du préjudice subi par le salarié) ou du contrat. L’obligation annuelle légale de négociation sur les salaires, la durée et l’organisation du travail dans l’entreprise est supprimée, à charge pour les entreprises de mener des négociations lorsqu’elles le souhaitent. Enfin, la durée légale du travail hebdomadaire passe à 45 heures, à charge pour les syndicats de négocier une durée moindre dans des accords de branche ou d’entreprise.

  Les syndicats se voient obligés de ne compter que sur les seuls dons et cotisations de leurs membres ou des associations de sympathisants. Le financement du syndicalisme ne semble pas conforme à l’objet social d’une société, et ne rentre pas dans la catégorie “services rendus par l’Etat aux citoyens permettant de considérer ces derniers comme des contribuables” (loin de là).

vendredi 17 février 2012

Rêve. Partie II.

  Précision utile: je ne l’ai pas mentionné, mais pour les besoins de ma politique de superprésident autoritaire à souhait, j’ai pris la liberté de revenir à ce qui existait avant la réforme de 2008 s’agissant du recours à l’article 49-3. Du coup, je peux faire passer mes deux grosses réformes avant le 31 juillet.

La réforme de la fiscalité

  La fiscalité est entièrement remodelée, suivant un objectif tout simple: revenir à l’idée selon laquelle les impôts servent à financer les dépenses publiques. Pas à modifier les comportements, ni à punir la réussite. En guise de remarque: je prends la notion d’impôt au sens large, ce qui comprend tout prélèvement obligatoire. Histoire de ne pas provoquer une révolte toute sémantique des fiscalistes.

  La “fiscalité écologique” disparaît donc du paysage, tout comme l’ISF, la CSG, la CRDS, les droits de succession, les droits de donation et de legs, la CET (ou “ex-taxe professionnelle”, que je persiste à appeler “patente” parce que je trouve cela plus chic et snob), la taxe d’habitation, la taxe foncière, les droits de mutation sur les transactions immobilières, et plusieurs autres prélèvements qui nous empoisonnent tous sans faire preuve de leur utilité. Les niches fiscales sont également supprimées.

  L’impôt sur le revenu devient un impôt local dont les modalités sont fixées à Paris: il s’agit d’un impôt proportionnel, fixé à 20% (plus ou moins, j’ai une armée de collaborateurs qui se feront une joie de fixer le taux adéquat). Un fonds de péréquation est mis en place pour 5 ans, histoire de ne pas avoir une cohorte d’édiles se lamentant sur l’”injustice” qui vise leur collectivité. Du coup, j’en profite pour annuler la majeure partie des transferts de l’Etat aux collectivités territoriales.

  L’impôt sur les sociétés est simplifié, avec un taux unique de 20%. La TVA, elle, passe à 10% pour tous, à l’exception d’une liste de 80 produits de première nécessité (pourquoi 80? bonne question, je n’ai pas la réponse) totalement exonérés.

  Cadeau électoral, je modifie la “fiscalité des vices”: le tabac est taxé de façon à ce que la part totale de la fiscalité sur le paquet de cigarettes n’excède pas 20%, TVA comprise bien entendu. Idem pour l’alcool, et tout ce qui appartient à la catégorie de la “fiscalité parce que c’est pas bien pour vous”.

  Seule création, je met en place une taxe d’implantation locale forfaitaire, pour permettre aux collectivités territoriales de financer les nouveaux équipements requis par l’installation de nouveaux habitants. Pour les détails, voir Vincent Bénard.

  Normalement, je devrais voir apparaître un “trou” dans mon budget. Pour éviter cette embarrassante situation, je baisse de façon provisoire les dépenses de l’Etat: –10% pour tous les ministères, –20% le cas échéant. Je modifierait en cours d’année la répartition des crédits, à mesure de la disparition de pans entiers de l’administration.

La réforme du salaire

  Je fais instaurer le salaire complet. Chaque salarié touche intégralement ce qu’il coûte à l’employeur, à charge pour lui de s’acquitter des impôts et des charges dites sociales. Bonne nouvelle: la salarié lambda voit vraiment le coût de notre “modèle social”; ce faisant, il sera sans doute plus à même de soutenir la réforme de ce dernier.

  Je fais supprimer le salaire minimum: cela devrait doper un peu l’emploi des travailleurs peu qualifiés, sans pour autant peser sur les finances publiques. L’inconvénient, ce sont les grèves déclenchées par nos bons amis syndicalistes. A charge pour les employeurs de choisir entre faire pourrir la grève ou augmenter les salaires…

  Une fois ces deux réformes passées, je laisse souffler mes parlementaires, et digérer le pays. Puis, début octobre, je reprends l’offensive, en faisant prendre une loi “portant divers aménagements urgents en matière de réglementation urbaine et foncière” (comment ça, je pratique la cavalerie?)

Les aménagements urgents en matière urbaine et foncière

  La loi fourre-tout par excellence.

- Je fais créer une présomption de “liberté d’affectation” pour chaque fonds, et réinstaure la compensation des servitudes d’urbanisme. Partant, je modifie dans un sens plus conforme au droit de propriété l’abominable procédure d’alignement. Pour les questions épineuses de coexistence entre diverses activités, je remet en place la bonne vieille immissio du droit romain, à laquelle j’ajoute une notion d’antériorité. Là, normalement, je me met à dos tous ce que la France compte de propriétaires rentiers, et un bon nombre de banques comptant sur l’absence de liberté des sols pour refourguer des prêts immobiliers agrémentés de “0” inutiles.

- Je fais supprimer les SAFER, qui empoisonnent la vie rurale et font une guerre de chaque jour au droit de propriété.

- J’abroge les dispositions ridicules dans le secteur locatif s’agissant de la fixation du loyer et de la rupture du bail. Du coup, plus besoin de Scellier ou de Robien!

- Comme j’ai fait supprimer le ministère de l’aménagement, je rend le service public du sol dépendant du ministère de l’intérieur. Les services en question deviennent des services informatifs, avec pour seule mission normative d’édicter des règles s’agissant des interfaces entre fonds privés et domaine public. Là encore, pour plus de détails, voir M. Bénard.

- Je fais vendre une grande part du parc d’HLM à leurs occupants, et j’attribue le reste aux catégories les plus précaires, avec un bail de trois ans attribué sous conditions (de revenus, bien entendu, mais aussi de bonne moralité: histoire d’amadouer les députés conservateurs). Oh, en passant, le droit au logement opposable n’existe plus, conséquence de ma réforme constitutionnelle. Et si quelqu’un invoque un autre texte international, je me ferais une joie de le dénoncer.

  Avec ça, on peut commencer un mois de novembre assez serein, malgré les associations qui militent pour la trêve hivernale (je peux facilement leur répondre d’accueillir chez eux et à leurs frais les éventuels expulsés, juste pour voir la tête de ces quelques journalistes ou attachés parlementaires), le marché du logement ayant retrouvé (pas du jour au lendemain, certes) une plus grande consistance. Mieux, le besoin d’aides sociales devrait être amoindri par la liberté recouvrée: bonne nouvelle pour les finances publiques.

jeudi 9 février 2012

Rêve. Partie I.

  J’ai lu une intéressante aventure imaginaire consistant à sauver la France en dix mesures (pour ceux qui me trouveraient redondant, oui, je trouve pas mal de choses intéressantes). Du coup, je me prends à rêver, à mon tour. Un beau rêve, d’ailleurs. Suite à je ne sais quel concours de circonstances, je suis fait président de la République, disposant d’une majorité libérale dans les deux chambres. Passée une (en fait sept) bonne(s) journée(s) de jubilation, je me mets au travail, en prenant bien soin de “jouer à la Constitution” avec mon Premier ministre et de multiplier les rencontres avec mes deux présidents de groupes parlementaires (pour ne pas les froisser). Je commence fort: une rencontre européenne (informelle, c’est moins rébarbatif) suivie d’une modification constitutionnelle.

La rencontre européenne informelle

  Le but est le suivant: indiquer à mes amis membres du club des gens omnipuissants ce que je veux et ce dont je ne veux même pas entendre parler.

Je veux tout d’abord une réforme du texte de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, pour qu’elle soit purgée de la quantité impressionnante de faux droits qu’elle consacre.

  Je veux ensuite une véritable consécration du principe de subsidiarité: la seule opération pouvant s’opérer entre l’échelon national et l’échelon européen est une délégation de pouvoir (révocable), et non une cession de pouvoir (irrévocable sauf à vouloir quitter l’UE). Ce qui exclut les compétences de coordination et les compétences partagées.

  Je veux une fusion du Conseil européen et du Conseil de l’Union Européenne au sein d’un nouvel organe, le Conseil des Etats, chargé de représenter les intérêts nationaux et de définir des orientations pour l’UE. Ce Conseil aurait un pouvoir non liant de proposer une législation européenne, un pouvoir de proposition du président de la Commission, et surtout, le pouvoir de déléguer ou de révoquer une délégation de compétence à l’Union. En sus de tout ceci, je voudrais ce Conseil doté d’un droit de veto s’agissant de l'application des normes européennes.

  Je veux l’attribution du plein pouvoir législatif au Parlement européen en matière communautaire seulement (matières déléguées par le Conseil). Sauf en matière budgétaire, où demeurerait la codécision.

  Je veux une réforme de la Commission européenne. Sachant que les Etats ont leur Conseil des Etats, on peut limiter à sa plus simple expression l’effectif de la Commission. A part le président, la nomination serait le fait du Parlement; elle aurait un pouvoir d’initiative législative, elle serait toujours compétente en matière d’exécution des actes communautaires au niveau centrale (elle serait, nouveauté, titulaire originel de cette compétente).

  Je veux la suppression du CESE et du Conseil des Régions, parce qu’ils sont inutiles et coûteux.

  Je veux que la BCE arrête l’impression massive de billets, quelle qu’en soit la cause. Je veux que les Grecs se dépatouillent seuls, que les Espagnols se dépatouillent seuls,…

  Je veux revenir sur le droit de vote des étrangers ressortissants d’un Etat membre de l’UE aux élections municipales: en France, cela conduit à donner à un étranger la possibilité d’influer, indirectement, sur la composition d’un organe concourant à la formation de la loi française (le Sénat). Et ça, je ne veux pas en entendre parler.

  Je veux enfin une Constitution de l’UE reprenant ces réformes, lisible, avec peu de renvoi et sans annexe, dotée d’une titanesque rigidité constitutionnelle.

  Je termine la rencontre en précisant qu’en cas de succombance sur l’un des points, la France quitte l’Union Européenne et demande son intégration à l’AELE. L’Allemand s’étrangle, l’Anglais rit aux larmes, le Tchèque m'aime, le Grec sent que le salut viendra pas de moi. Sans attendre les réactions du pachyderme européen, je rentre à Paris où je propose une réforme constitutionnelle (du moins, je joue à la Constitution et fait proposer une telle réforme au Parlement par mon ami le ministre de la Justice)

La réforme constitutionnelle

La Constitution préside aux destinées de l’ensemble de l’activité normative de l’Etat et des collectivités territoriales. Ma réforme doit permettre 1/ de lui redonner un rôle de “somme de vertus” 2/d’éviter que la résiduelle opposition parlementaire s’active à chaque projet ou proposition de loi en prétextant une inconstitutionnalité. Ma réforme (la réforme) comprend plusieurs mesures:

- le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 est modifié. Il ne comprend plus qu’un renvoi à la DDHC de 1789, ainsi que la reconnaissance de plusieurs dispositions: l’égalité entre tous les français devant les charges résultant de calamités naturelles nationales, la prohibition de toute guerre de conquête, l’interdiction de l’emploi des forces françaises contre la liberté d’un peuple, l’établissement d’un soutien minimal aux indigents, la proclamation de l’égal accès à l’instruction pour la “jeunesse désireuse de s’instruire”. Adieu le préambule de 1946, adieu la Charte de l’environnement, hérésies juridiques.

- le dernier alinéa de l’article 3 et le dernier alinéa de l’article 4, actuels fondements de la parité forcée entre hommes et femmes dans les fonctions électives, sont supprimés.

- le nombre de ministères est limité à huit: la Justice, l’Intérieur, les Affaires Etrangères, l’Instruction publique, les Travaux publics, la Défense, la Santé et les Assurances Sociales, les Finances publiques. La partie “préservation du patrimoine” passe à l’instruction publique, la partie “Economie” disparaît,… bref.

- le mandat présidentiel est de nouveau porté à sept ans, pour dissocier à nouveau le temps présidentiel du temps parlementaire.

- le cumul des mandats électifs est prohibé.

- le droit du Président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale est supprimé: il n’est plus possible de priver une législature, même socialiste, de ses dernières années d’activité sous le prétexte ridicule d’une légitimité électorale plus récente.

- les lois mémorielles sont interdites.

- l’adoption d’un budget en déficit est interdit; en cas d’impossibilité de parvenir à un accord permettant de présenter un budget en équilibre, le président de la République peut imposer le budget.  En cas de mauvaise foi de sa part, un budget “automatique” comprenant une baisse de 10% des dépenses de chaque ministère entre en vigueur. (ça fait tyran, comme ça, mais après tout, on parle des deniers publics, il faut bien motiver les députés)

  Après différentes péripéties, des petites phrases de ministres, des députés socialistes de droite ou de gauche hurlant au coup d’Etat, des associations citoyennes déplorant telle ou telle mesure, voilà ma réforme constitutionnelle adoptée. Je peux passer aux choses sérieuses, et présenter mes deux vastes plans avant la rentrée (j’abuse de la procédure d’urgence et je fais réduire par mes consciencieux députés le volume des congés parlementaires): la réforme de la fiscalité, d’une part, et la réforme du salaire, d’autre part. Comme ça, on aura une rentrée sociale agitée mais avec des textes déjà adoptés, et je pourrais réformer tranquillement le droit du sol. Si j’ai un problème d’ordre constitutionnel durant mon parcours, je demande une loi constitutionnelle, et on en parle plus.

  Au passage, je donne pour consigne de ne pas entretenir les colonnes de Buren: l’artiste, choqué et tout ému, demandera la destruction de son “oeuvre”, ce qui s’accomplira. Et moi, faussement triste, je dénoncerais le manque de moyens du fait d’une administration vorace. La République germanopratine passera deux bonnes semaines à regretter les colonnes, deux semaines pendant lesquelles je serais un rien tranquille sur des sujets plus importants.

mercredi 8 février 2012

Entre bon sens et camps de concentration

  Intéressante suite de l’affaire Guéant, la réaction du député Letchimy, que l’on présente comme “apparenté socialiste”. Ce dernier aurait accusé le ministre de nous ramener jour après jour “à ces idéologies européennes qui ont donné naissance aux camps de concentration”. Si le lien avec l’affirmation de M. Guéant reste à trouver, et si l’on peut accuser le député Letchimy de démagogie (l’éternel argument des heures-les-plus-sombres-de-notre-Histoire, avec cette merveille s’agissant des propos incriminés: la sortie de M. Guéant serait une “négation de la richesse des aventures humaines”, un “attentat contre le concert des peuples, des cultures et des civilisation”… Sakineh appréciera la richesse de son aventure humaine, sans doute), on ne peut cependant pas le contredire.

  Car oui, M. Guéant, l’ensemble du gouvernement, l’ensemble du Parlement et, partant, l’ensemble de la classe politique française, nous ramènent à ces idéologies. Ou, pour être plus précis, s’obstinent à nous y maintenir. Ces “idéologies” se fondent sur la toute-puissance de l’Etat considéré comme le seul organe habilité à parler au nom de la société; sur la primauté de l’intérêt général, notion floue et bien commode; sur la nécessité de “construire” une société nouvelle, régénérée; sur l’absence totale de considération pour l’individu, vu comme une simple donnée que l’on peut transformer ou, s’il montre un semblant de résistance, réduire à néant. Comme le socialisme, ou sa version bâtarde, la social-démocratie.

  C’est assez drôle de voir un député “apparenté socialiste”, qui par ailleurs revendique la propriété de la Martinique via Aimé Césaire (à inscrire dans la liste des personnes surfaites, je le dis en passant), accuser un ministre de “droite” de faire du socialisme, je trouve…

mardi 7 février 2012

La République des bonnes résolutions

  Vous ne le savez peut-être pas, mais le Parlement français ne fait pas que chambre d’enregistrement des promesses de campagne du type qui trône à l’Elysée. Non. Il se spécialise également dans des textes sans portée normative, des publications déclaratives de bonne conscience. On appelle cela: des résolutions. C’est comme le nouvel an, mais un nouvel an qui durerait tout le temps que dure une législature.

  Précisons: il arrive que parfois, les résolutions débouchent sur quelque chose. Ce sont les résolutions “européennes”, qui comme leur nom l’indique traitent des affaires européennes, et les résolutions qui tendent à créer des commissions d’enquête. La plupart des résolutions de l’Assemblée nationale sont de cet ordre. Mais il en existe d’autres, pour lesquelles le coût en chauffage, en éclairage, en papier (etc…) n’est PAS justifié.

Recensement des résolutions de la XIIIe législature (OK, je suis une feignasse, je n’ai pas recensé TOUTE la législature, et je me suis limité à l’Assemblée nationale):

- Résolution incitant le Gouvernement français à remplir les obligations que lui donnent les recommandations de la commission d’enquête tchadienne concernant les évènements du 28 janvier au 8 février 2008 afin de connaître la situation de M. Ibni Oumar Mahamal Saleh disparu à N’Djamena, capitale du Tchad, le 3 février 2008 (25 mars 2010): oui, il s’agit d’une looonngue résolution, une résolution incitative (les députés ne connaissent vraisemblablement pas le n° de téléphone ni l’adresse du Premier Ministre, et ne peuvent être amenés à le croiser dans un couloir), qui prend bien la peine de préciser que N’Djamena est la capitale du Tchad, et qui indique que des recommandations peuvent imposer des obligations (et non les donner).

- Résolution sur l’attachement au respect des valeurs républicaines face au développement de pratiques radicales qui y portent atteinte (11 mai 2010): Sachant qu’une loi est intervenue dans la même législature sur le même sujet, on peut se poser la question de la pertinence de cette résolution, sachant en plus que le respect des valeurs républicaines prend la forme de leur négation. D’ailleurs, on peut se poser cette question même sans loi, en reprenant l’intitulé: si mon député n’est pas résolument attaché au respect des valeurs républicaines, je pense que je suis en droit de m’inquiéter…

- Résolution sur l’égalité entre les femmes et les hommes en 2011 (22 mars 2011): Non, la promulgation de loi stupides sur la parité n’a pas empêché les députés de s’offrir une séance de bonne conscience.  Dans le même type, on peut imaginer: Résolution sur la beauté des flocons de neige. Plus c’est con, plus ça passe!

- Résolution sur l’attachement au respect des principes de laïcité, fondement du pacte républicain, et de liberté religieuse (31 mai 2011): M. Coppé a récidivé. Pour info, l’Aslace et la Moselle ne connaissent pas de régime monarchique.

- Résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution (6 décembre 2011): Le pouvoir de parler au nom de la France, c’est beau tout de même. Cette résolution, c’est pour ne pas oublier que l’Etat n’aime pas le vice, même quand il est consenti, et refuse de voir sa responsabilité établie dans la dégradation du statut des prostituées.

- Résolution sur la mise en oeuvre du principe de précaution (1er  février 2012): On parle de vous, et on économise une loi polémique pour le moment. Elle est pas belle, la vie?

- Résolution visant à développer le “Fabriqué en France” et à déterminer la notion d’origine des produits (2 février 2012): Pour bien dire que même si c’est de nôtre faute si produire en France se révèle être un calvaire, on y reste attaché. On pourra toujours se le payer, bénéficiaires que nous sommes des indemnités parlementaires…

lundi 6 février 2012

La campagne? Quelle campagne?

  On a eu M. Sarkozy tentant de sauver l’Union Européenne (oui, je l’intègre dans la campagne, même s’il n’est pas pour le moment). On a eu M. Hollande partant en croisade contre l’Invisible Ennemi (la ci-devant finance). On a eu Mme. Le Pen … Ah non, on a pas eu, vu qu’on ne l’entend plus (remerciements chaudement adressés aux chaînes TV). Mais à dire vrai, je n’avais pas, jusqu’à présent, le sentiment de vivre une campagne électorale. Rien, mais RIEN à voir avec les discussions passionnées qui ont ponctuées mon année de terminale (si, si: je me souviens par exemple de l’entre-deux-tours, de mon professeur d’histoire inscrivant, d’humeur joyeuse, “Sarkolène s’égosille” sur le tableau, et des appels émus d’une “camarade” de classe pour voter “Ségolène-parce-que-Sarko-ce-sera-la-tyrannie”). Platitude.

  Jusqu’à ce week-end. Jusqu’à la “polémique” Guéant. M. Guéant, pour une fois bien inspiré, a dit ceci:

Contrairement à ce que dit l’idéologie relativiste de la gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas. Celles qui défendent l’humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient, celles qui défendent la liberté, l’égalité et la fraternité nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique

  Horreur! Malheur! Une personne ose proclamer ce qui tombe sous le sens! La gauche autoproclamée “progressiste” (admirez sa vision du progrès, tout de même) se doit de réagir. Et voilà ses dignes représentants, fronçant les sourcils, tonnant sur cette “provocation pitoyable”, ce “dérapage contrôlé”, cette stigmatisation… Pour éviter le conflit, des Grands de l’autre bord du socialisme (le même que M. Guéant, par ailleurs) nuancent les propos du ministre de l’Intérieur, les précisent, ou indiquent qu’ils auraient dit différemment. Bref: pour répondre à l’accusation de relativisme, on s’affirme relativiste, sans débattre plus avant. Classique.

  Ce qui est un peu plus étonnant, ce sont les réactions de M. Mélanchon (il y voit une “détestation des musulmans”), de M. Moscovici (il croit savoir que le ministre “vise les musulmans” et “vise l’Islam”), ou du Conseil Français du Culte Musulman. On leur parle de civilisation supérieure à d’autres niant l’humanité, à d’autres acceptant la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique, et ils tirent de cela un pauvre Islam prit pour cible. Je me demande vraiment comment telle chose a pu se concevoir dans leur esprit… Vraiment…

  Dans le même genre, on a la Ligue des Droits de l’Homme, qui considère que les propos sont “une étape supplémentaire vers l’ignoble”. Défendre la liberté, l’égalité et la fraternité, c’est cela, l’ignoble… Proclamer qu’une civilisation respectant les droits de l’homme est plus avancée qu’une autre les ignorant est ce que la Ligue des Droits de l’Homme considère comme étant ignoble. Je ne sais pas si c’est partagé, mais moi, des gens comme ça, j’ai une folle envie de les envoyer en stage en Arabie Saoudite, et de les regarder prêcher dans ce haut lieu de la civilisation que “tous les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux en droits”…

  Pour ma part, je n’ai pas de honte à parler de la Civilisation avec un C majuscule, à la classer un poil plus haut que les autres civilisations, et à l’opposer à la perversion qui l’affecte (le socialisme). Je ne me sens, pour autant, ni “raciste” (je ne vois pas comment je pourrais), ni xénophobe, ni islamophobe (vu qu’en fait je me contrefout des religions des autres). Et ce n’est pas la sortie de M. Guéant qui va me faire voter pour son courant cette année (précision: il s’agit toujours de séduire tel ou tel électorat, comme si l’électorat était une marchandise bien quantifiée et pouvant se reporter aussi facilement…).