samedi 24 décembre 2011

De la Vérité

  Bref rappel sur la Vérité. On m’a toujours enseigné que la Vérité supposait la réunion de deux critères. Pour que quelque chose soit considéré comme quelque chose de vrai, il faut que cette chose ne soit pas réfutée tout en étant pourtant réfutable. Autrement dit, l’application à la logique de la formule de Beaumarchais sur la liberté d’expression: Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur”. Il n’est pas possible d’affirmer que quelque chose est la Vérité s’il est interdit de professer une opinion dissidente à son sujet. A l’inverse, on est obligé de constater que quelque chose est vrai tant qu’aucune critique contraire n’émerge alors qu’elle a toute possibilité pour le faire. L’actualité vient nous rappeler périodiquement que la Vérité est en permanence menacée, qu’on n’a pas besoin de vivre en Corée du Nord ou à Cuba pour cela.

  On connait le mécanisme abjecte de la loi mémorielle, depuis la loi Gayssot du 13 juillet 1990: il s’agissait en l’espèce de la création d’un délit nouveau, sous l’influence de la loi pénale allemande, celui de contestation de l’existence de crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par le statut d’un tribunal militaire international de Nuremberg. L’expression est punie non pas pour ses conséquences (type trouble à l’ordre public), mais pour elle-même. Ce faisant, le législateur a créé une Vérité Officielle, non-réfutée car non-réfutable.

  Le législateur a récidivé depuis ce sinistre jour, avec la loi du 29 janvier 2001 sur la reconnaissance du génocide arménien (avec un texte qui vaut de l’or: La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. La présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat. Comment exécuter une loi qui n’impose rien? Les voies du législateur sont impénétrables), la loi Taubira du 21 mai 2001 sur la reconnaissance de la traite négrière et de l’esclavage comme crime contre l’humanité, et la loi du 23 février 2005 sur la présence française outre-mer.

  Ces trois lois ont constitué une sérieuse brèche dans la voie vers la Vérité, puisqu’elles ont établi ce que la République considère comme tel. Plus vicieux, elles ont prescrit des mesures à destination des programmes scolaires pour les deux dernières. Néanmoins, il était et il reste toujours possible de contester la version officielle. Il “suffit” simplement de se mettre à dos tout ce que notre pays peut compter de bien-pensants et de séides de la classe actuellement au pouvoir, et de ne pas considérer le terme “négationniste” comme une insulte. Précision: nier l’utilité ou la légitimité de ces lois est assimilé à du négationnisme.

  Conscient de ce problème, le législateur a entendu être cohérent avec lui-même. A une large majorité, l’Assemblée Nationale a adopté une proposition de loi faisant de la négation d’un génocide reconnu un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende. Comme ça, on ne peut plus nier le génocide arménien. Ah mais!

  Du coup, Ankara peste, le Premier Ministre Erdogan s’adonne à des commentaires dignes de la cour de récréation, et notre admirable ministre des Affaires Etrangères se pose en homme de raison appelant à une diminution de la tension. Ce genre de chose, en réalité, on s’en fiche un peu, l’essentiel est ailleurs. Il est dans la suppression du caractère réfutable de la vérité qu’est le génocide arménien. Ce qui est nocif pour cette vérité (qui perd alors ce statut), pour la Vérité , pour la notion de génocide (n’est donc un génocide que ce que la loi reconnaît comme tel?) et pour le Savoir en général (puisque l’Etat peut fixer ce qui est vrai, la classe au pouvoir est seule détentrice du Savoir, et peut se réserver la possibilité de sévir contre toute critique quelque soit le sujet. Cette dérive était déjà présente avec le monopole public qu’est l’Education nationale, et elle se renforce de décennies en décennies).

  C’est une triste période pour la France. Le Parquet s’y mue en Inquisition, traquant les vices et imposant une vérité qui perd tout crédit. Avec un peu de (mal)chance, dans quinze ans, il y sera illégal de prononcer une opinion climato-sceptique (et de fumer).

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