mardi 6 décembre 2011

Panorama des aides aux médias

  Je me suis mis en tête récemment de dresser un état des lieux des divers aides accordées par la puissance publique aux différents médias. Je les ai classées en deux grosses catégories, les aides à la presse d’une part et les aides à l’audiovisuel d’autre part. Ce panorama, s’il se veut complet, peut cependant omettre certains dispositifs: je suis comme tout un chacun soumis à des contraintes de temps et de volonté (en somme, je n’ai pas eu le courage d’aller voir jusqu’à la page 50 de Google et je me suis limité à la presse et à l’audiovisuel public). De plus, les chiffres sont essentiellement les chiffres que j’ai trouvé dans le projet de loi de finances de 2011 et dans la loi de finance de 2011. Du coup, certaines aides sont menacées à court terme de disparition du fait de leur perte d’objet, et certaines aides vont “monter en puissance”.

  Enfin, comme je ne suis au final qu’une grosse larve fainéante, j’ai résisté à l’envie de commenter ce panorama. Je suis comme ça, moi: parfois je préserve mes nerfs.

I- Les aides à la presse

  Les aides à la presse se répartissent en aides directes et aides indirectes. Ces aides répondent à trois objectifs: défense du pluralisme, développement de la diffusion et modernisation des entreprises de presse.

  • Les aides directes

Elles mêmes se répartissent en trois catégories, selon l’objectif: aides à la diffusion, aides au pluralisme, aides à la modernisation.

- réductions tarifaires de la SNCF. Créées en 1948, elles prennent la forme d’une subvention annuellement versée par l’Etat à l’”entreprise” ferroviaire, en compensation des réductions de tarifs qu’elle accorde aux sociétés de presse (terme générique lorsque je l’utilise). Cette réduction est répercutée dans les tarifs que ces dernières proposent aux éditeurs de presse pour le transport de leurs titres. Le taux de prise en charge par l’Etat est susceptible de varier d’une année sur l’autre, puisqu’il fait l’objet d’une convention signée avec la SNCF chaque année. Coût 2011: environ 5,5 millions d’€.

- aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l’étranger. Remontant à 1957, cette aide facilite la diffusion à l’étranger des quotidiens et périodiques français “apportant une contribution significative au rayonnement de la pensée et de la culture française” (quand on connaît les titres de presse français, on ne peut s’empêcher de rire en lisant cela. On redevient rapidement sérieux quand on se demande qui décide de ce qui contribue ou non au rayonnement de notre pensée et de notre culture…). Coût 2011: 1,95 million d’€.

- aide au portage de la presse. Créée en 1998, elle est depuis 2009 accessible à tous les titres nationaux, régionaux et départementaux d’information politique et générale, et aux publications apportant “régulièrement des informations et commentaires sur l’actualité de l’ensemble des disciplines sportives” (je ne vois que l’Equipe…). Il s’agit d’une aide directe à l’exemplaire. Coût 2011: 67,9 millions d’€.

- aide au transport postal de la presse d’information politique et générale. En fait, il s’agit de compenser la neutralisation de la hausse des tarifs postaux due au “contexte de libéralisation des services postaux”. Coût 2011: 105 millions d’€.

- exonération de charges patronales pour les rémunérations des porteurs et vendeurs-colporteurs, au niveau du SMIC. Coût pour la Sécurité sociale: 14 millions d’€ en 2011, compensés bien entendu par le régime général.

- aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires (par choix branchouille ou par nécessité vu que la publication est de type gauchiste… ajout personnel). Créée en 1986, elle vise les quotidiens dont les recettes publicitaires n’excèdent pas 25% de leurs recettes totales et qui de ce fait luttent contre l’infâme marchandisation de la pensée. Coût 2011: 9,15 millions d’€.

- aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces. Créée en 1989 et élargie en 1997, elle vise à “maintenir le pluralisme et l’indépendance” des titres visés. Coût 2011: 1,4 million d’€.

- aide à la presse hebdomadaire générale. Créée en 1996, elle veut favoriser un secteur “indispensable au pluralisme d’expression et à la cohésion du tissu économique et social”. Coût 2011: 1,42 million d’€.

- aide au développement des services de presse en ligne. Créée en 2009, elle succède à un dispositif mis en place en 2004. Elle prend la forme de subventions et d’avances remboursables. Coût 2011, dernière année d’existence en théorie: 18 millions d’€.

- aide à la modernisation des diffuseurs. Cette subvention créée en 2004 vise à aider les diffuseurs à rénover leur espace de vente ou à “optimiser leur gestion des produits de presse”. L’aide va jusqu’à 40% du total (hors taxes, il ne faudrait pas déconner non plus) des dépenses prises en compte (je n’ai pas eu le courage de regarder ce que ceci recouvrait). Coût 2011: 10 millions d’€.

- aide à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale. Coût 2011: 18 millions d’€, essentiellement pour Presstalis, nouveau nom des NMPP.

- aide à la modernisation de la presse quotidienne d’information politique et générale. Créée en 1998, elle permet le financement de projets de modernisation des entreprises de presse. Coût 2011: 20 millions d’€.

- aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et régionale. Je ne sais pas ce que cela veut dire, mais je sais que ça a coûté 27,6 millions d’€ en 2011.

  • Les aides indirectes

- taux réduit de TVA. Réservé jusqu’en 1977 aux quotidiens, il apparemment a été étendu à tous les périodiques en 1989. Les publications de presse sont imposées à hauteur de 2,1% (1,05% dans les DOM-COM). Les travaux de composition, d’impression, de fourniture d’information par les agences de presse sont soumis à un taux de 5,5%. Les recettes publicitaires, cependant, sont soumises au taux normal. ATTENTION ces chiffres ne prennent pas en compte une éventuelle augmentation du fait des plans de rigueur super-rigoureux du gouvernement. Dépense fiscale estimée à au moins 200 millions d’€.

- régime spécial des provisions pour investissement. Initialement prévu jusqu’au 31 décembre 2006, il a été étendu et prorogé jusqu’en 2010 puis jusqu’en 2011. Coût: inconnu pour moi.

- réduction d’IS pour les entreprises entrant dans le capital des entreprises de presse éditant des publications d’information politique et générale. Elle est égale à 25% du montant des sommes versées au titre des souscriptions en numéraire au capital.

- exonération de la cotisation foncière pour les entreprises, éditeurs et agences de presse.

- régime dérogatoire des taux de cotisation SS des vendeurs-colporteurs et des porteurs de presse. Ceci est couplé à l’exonération de charges patronales évoquée plus haut. Le montant est assis sur une assiette forfaitaire égale à 4% du plafond journalier de la SS.

- modalités spéciales de calcul des cotisations sociales des journalistes. Un abattement de 20% est appliqué au taux de cotisations SS dues par les entreprises de presse au titre de l’emploi des journalistes. Les journalistes “professionnels” peuvent bénéficier d’une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels, calculée selon un taux de 30% dans la limite de 7 600€ par an.

- statut des correspondants locaux de presse. Lorsque leur revenu est inférieur à 15% du plafond de la SS (j’ai trouvé 440€ par mois), l’affiliation aux régimes sociaux est facultative. Lorsque leur revenu est supérieur mais inférieur à 25% de ce même plafond (j’ai trouvé 735€ par mois), l’affiliation est obligatoire mais l’Etat prend en charge 50% des cotisations d’assurance maladie, de maternité et de retraite.

II- Les aides à l’audiovisuel public

-  Les aides à France Télévisions proviennent des avances qui lui sont accordées, représentant 2,1 milliards d’€, et de l’affectation d’une partie des ressources de la Contribution à l’Audiovisuel Public (pour compenser la perte de ressources publicitaires), soit 389,9 millions d’€ en crédits de paiement. L’ensemble du financement public s’approche donc de 2,5 milliards d’€.

-  Au titres des avances à l’audiovisuel public, Arte France reçoit 257,76 millions d’€, en plus bien entendu de son capital détenu par des entités publiques. Pour rappel, Arte France est détenue à 25% directement par l’Etat (Arte France, c’est régalien…), à 45% par France Télévisions, à 15% par Radio France et à 15% par l’INA. Arte France détient la moitié d’Arte.

- Plusieurs sociétés, qui ne bénéficient pas directement d’aides étatiques, jouissent cependant de capitaux publics. Ainsi Canal France International, Planète Thalassa, Mezzo, International Création Vidéo… Selon moi, les capitaux détenus par une entreprise elle-même publique ne peuvent pas être qualifiés de capitaux privés.

- L’INA, EPIC voué à l’archivage et au partage de toutes les productions radiophoniques et télévisuelles françaises, reçoit 96,6 millions d’€ au titre des avances à l’audiovisuel public. On peut se demander, au passage, la raison qui a poussé l’INA à figurer dans le capital d’Arte France… Elle ne saute pas aux yeux, si on se focalise sur ses deux missions.

- L’Audiovisuel Extérieur de la France, holding qui regroupe les participations de l’Etat dans différentes sociétés liées à l’action audiovisuelle extérieure, est aidée par une dotation du budget général de l’ordre de 200 millions d’€ par an et par des avances de l’ordre de 120 millions d’€. L’AEF (ça ne s’invente pas) fédère Radio France International et France 24, et détient des participations dans TV5Monde.

- Radio France, SA à capitaux publics (moi, j’appelle ça une entreprise publique, tout simplement) qui est à la radio ce que France Télévisions est à la télévision, voit son chiffre d’affaire assuré à 89,1% par l’Etat, via les avances à l’audiovisuel public, soit environ 600 millions d’€.

- Enfin, l’expression radiophonique locale est subventionnée à hauteur de 29 millions d’€, répartis entre la subvention à l’installation, la subvention d’équipement, la subvention d’exploitation et la plus marrante, la subvention sélective à l’action radiophonique.

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