jeudi 10 juin 2010

La confusion des idées

  Il est aujourd’hui impossible d’y échapper : la confusion des idées – je choisis ces termes faute d’imagination suffisante pour en trouver d’autres – règne dans de nombreux esprits, même le miens. Elle conditionne notre façon de penser, d’aborder les problèmes, et partant de là peut aboutir de façon stupéfiante à limiter l’expansion de la liberté et de la responsabilité individuelles. Elle devient insupportable lorsqu’à l’occasion d’un débat, ou, de façon plus modeste, d’un simple échange sur un sujet donné, elle vous interdit d’exposer clairement vos idées ou opinions sans au préalable effectuer un travail de décloisonnement des problématiques. Lorsque le travail à effectuer est trop important, las, vous vous dites que l’enjeu n’est pas d’une importance telle qu’il vous faille rester deux heures à expliquer à un interlocuteur abusant des coupures de paroles intempestives que sa manière de penser sur le sujet donné le fait s’égarer. Car c’est là l’enjeu, volontaire ou non, de la confusion des idées : vous ne pouvez traiter d’un sujet sans adhérer à un ensemble de points de vue, de notions, à une sorte de « pré-requis » souvent plus intuitif et idéologique qu’autre chose. Vous en arrivez à amalgamer le tout, vous manipulez un groupe d’idées et de problèmes sans pour autant que cet amas réponde à une logique d’ensemble. Vos propos perdent de la cohérence (ça m’arrive très souvent, au passage), ceux de votre interlocuteur également, et finalement le consensus fondé sur le manque de séparation des problèmes domine.
Prenons des exemples :
1/le « service public ». Quoi que vous puissiez faire, ce sera quasiment toujours, pour votre éminent interlocuteur, un « monopole public bénéficiant à tous ». Il ne peut imaginer que des organismes privés, à but lucratif ou non d’ailleurs, soient capables d’offrir un service public ; il ne peut distinguer les notions de monopole public et de service public (c’est pour ça que, malgré les énormes imperfections du « système » RFF-SNCF, le fait que l’on parvenu à une situation ou l’opérateur de transport ferroviaire soit différent sur le papier du propriétaire des rails me contente déjà partiellement : cette séparation est un pas vers la séparation des problématiques, la propriété des rails par l’Etat n’impliquant pas forcément l’organisation par lui des services de transport sur ces rails).
2/ « l’écologie » : vous n’arriverez pas à séparer les problèmes, elle est un titanesque amalgame idéologique. Elle recouvrira des doctrines, concepts, idées tels que l’étatisme, le protectionnisme, le commerce équitable, la préservation de « la planète », le tiers-mondisme, le réchauffement climatique, la taxe Tobin, la prétendue justice sociale, les droits des Indiens du Chiapas, l’immoralité de la société de consommation, le besoin de règlementer tout et tout le temps…
3/la « laïcité ». Impossible désormais de parler de la simple neutralité confessionnelle de la puissance publique : cette notion doit désormais s’accompagner de la lutte contre les religions au nom du progrès et de l’athéisme. On peut pourtant défendre ardemment la laïcité de l’Etat et de la puissance publique sans être athée ou sans s’en prendre aux religions.
4/ le vice et le crime. Pour de nombreuses personnes, le vice et le crime ne sont plus séparables. Le fait d’être raciste et de l’exprimer n’est pas seulement le signe d’une bêtise incroyable, c’est aussi un crime à réprimer. Le fait d’être homophobe également. Le négationnisme n’est pas une simple négation de l’histoire, c’est une offense grave justifiant une punition par les autorités de l’Etat. Pour certaines personnes, le doute sur la qualité et la véracité des allégations du GIEC s’apparente à de la négation de la science (ils peuvent le penser, cela dit), et devrait être sanctionnée…
  Tout ceci est horrible. Cette confusion est étouffante, et j’en ai plus qu’assez de devoir prendre 10 minutes pour qu’un interlocuteur puisse accepter l’idée qu’il existe une différence entre le système de la Sécurité sociale et le système de la CMU, avant même d’exposer mon point de vue. Ou de devoir déconnecter “réforme actuelle des retraites” et “libéralisme”, “liberté” et “démocratie” (généralement, on va défendre la deuxième et amalgamer les deux… C’est le cas, par exemple, lorsqu’on parle de “démocraties occidentales” lors d’une discussion sur les peines plancher ou sur la garde à vue)….

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