mercredi 24 juin 2009

Versailles: du déni chauvin

Le ridicule ne tue pas. L'adage est encore plus vrai quand personne n'en a conscience. Dans son premier discours devant le Congrès réuni à Versailles, avant-hier, le président de la République a allègrement mêlé constats lucides, déclarations liberticides et chauvinisme forcené. Il a sacrifié la pertinence de son propos sur l'autel du consensualisme. Tout semble bon pour faire passer en douceur le remaniement ministériel et faire taire, ne serait-ce qu'une quarantaine de minutes, l'auditoire parlementaire (il aurait pu s'abstenir: la majorité est silencieuse depuis les ratés de la loi HADOPI, et l'opposition quasiment inaudible depuis 2002).

On apprend que le modèle français serait revenu au premier plan. Notre pacte social, forgé par les propositions du Conseil National de la Résistance (le président ne manque pas de nous le rappeler), serait de nouveau à la mode: notre subtile façon d'entraver la liberté économique au profit d'une redistribution injuste et inefficace va, le président paraît l'assurer, inspirer le monde de demain. Le prochain modèle de croissance aura, de la bouche même de l'hôte de l'Elysée, des ressorts semblables à celui des Trente Glorieuses, époque bénie de l'interventionnisme public débridé où l'on pouvait s'affranchir, ou tenter de le faire, des lois rationnelles du marché en établissant des monopoles, au profit de l'Etat ou de cercles proches du pouvoir. Où l'on pouvait réellement agir, sur un marché national moins ancré dans l'économie mondiale, et sur un marché commun moins abouti. Où l'on pouvait, enfin, augmenter artificiellement le pouvoir d'achat en entretenant l'illusion que le monde économique n'en souffrirait pas. Entre autres malheurs... Pas de doute, c'est la fin de la récréation libérale: il nous faut retrouver un chemin pas tellement abandonné, qu'un esprit éclairé qualifia un jour de "route de la servitude".

Mais ce n'est pas tout. D'une part, le nouveau modèle intégrera des préoccupations écologiques. D'autre part, aussi bon soit-il, notre modèle à nous est largement perfectible. Non pas qu'il soit mal conçu et voué à l'implosion (il est bon et inspiré, vous dit-on). Seulement, d'obscures forces d'inerties (nommées "Parlement" et "gouvernements successifs") l'ont figé, et par là même dévoyé. L'égalité a ainsi été confondue avec l'égalitarisme (n'était-ce pas la vocation initiale de ce modèle? Assurément pas: chacun sait que le Conseil National de la Résistance ne saurait être taxé de socialisme), la liberté souffre du port de la burqa et des carences de l'Etat dans sa politique pénitentiaire (mais curieusement pas des mesures de rétention de sûreté, ni du monopole des organismes de Sécurité sociale), l'espérance de vie joue des tours à la retraite par répartition (laquelle ne saurait être réformée), les finances publiques sont perpétuellement dégradées (raison de plus pour éviter la rigueur et réfléchir à un nouvel emprunt national; tout, plutôt que de devoir abandonner un modèle dont on vient de rappeler la suprématie), l'ascenseur social est en panne (sans doute faudrait-il, pour le réparer, permettre aux poids de redescendre, mais le modèle français consiste partiellement en leur maintient. Lorsque l'on tombe sur une contradiction, la chose la plus intelligente à faire est de réviser ses prémisses).

Pour réparer le vieux modèle d'un vieux pays (enfin! il était le seul président à ne pas l'avoir mentionné), tout un tas de mesures sont prévues: l'emprunt, bien entendu, mais aussi la constructions de nouvelles prisons, la taxe carbone (qui va apparemment permettre de supprimer la taxe professionnelle), la protection des licenciés économiques (possibilité de garder son salaire durant un an et de suivre une formation sur la même période), la réforme des retraites, le refus de la burqa, la constitution d'internats d'excellence accueillant les enfants de milieux modestes,... Mais de la refonte totale de notre modèle, pas un mot.
Au final, un discours décevant et incohérent (comment peut-on défendre une modèle dépassé tout en proposant de le réformer pour qu'il subsiste? Comment peut-on vanter les mérites d'un pacte social alors qu'on le dénigre par ailleurs?). Comme première, je suis convaincu que l'on aurait pu faire mieux: plus libéral, plus cohérent, moins illusoire, et moins "national". Cela nous promet de belles choses pour la suite du mandat. Et dire que certains vont jusqu'à le taxer d'ultralibéral...

1 commentaire:

christiane a dit…

Bonjour,
Un excellent résumé, que je résumerais de façon beaucoup plus lapidaire : quand on veut dire à tous ce que chacun a envie d'entendre, il suffit de parler pour ne rien dire. Voilà pourquoi les discours de Sarkozy sont incohérents : il veut faire plaisir à tout le monde et par conséquent ne dévoile rien de ce qu'il veut réellement faire (d'ailleurs, hormis les taxes et les lois liberticides, veut-il vraiment faire quelque chose pour réformer ce pays?).
Bien cordialement