mardi 9 juin 2009

Oui

Je suis favorable à l'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne. Ou, plus précisément, je n'y vois pas le moindre inconvénient autre que conjoncturel (certains problèmes diplomatiques et historiques, mais cela peut se résoudre très facilement).

- la Turquie n'est pas un pays européen, car seuls 3% de son territoire se trouvent sur le continent européen. Dans ce cas, que dire du Danemark? Peut-on raisonnablement dire que les 2,16 millions de km2 du Groenland se trouvent en Europe? Que dire de Chypre? Si 3% du territoire turc se trouvent en Europe, l'ensemble du territoire chypriote se trouve hors d'Europe... Enfin, que dire de nos propres DOM-TOM? Après tout, ils ne se situent pas non plus en Europe. Finalement, on peut voir que le critère géographique n'est pas si rigide que cela, et ce qui s'applique aux pays déjà membres pourrait très bien s'appliquer à la Turquie.

- la Turquie n'est pas un pays européen, son histoire n'ayant presque rien de commun avec la nôtre. Faux. La Turquie est presque depuis toujours présente au sein de l'histoire européenne, depuis l'avènement de l'Empire ottoman. On peut même dire qu'elle est présente depuis "avant" l'Europe, puisqu'elle se situe dans la lignée historique de l'Empire romain d'Orient. La plupart des sultans ottomans étaient originaires d'Europe, et les liens entre les cours européennes et la Sublime Porte sont suffisamment connus pour ne pas être pris en compte.

- la Turquie n'est pas un pays européen, les Turcs ont d'ailleurs asservi une partie de l'Europe durant des siècles. L'argument de mauvaise foi. Premièrement, ce n'est pas parce que vos ancêtres ont dominé une aire géographique précise que vous devez être rejetés. Deuxièmement, l'utilisation de cet argument par les ressortissants de pays qui ont eux aussi dominés militairement d'autres pays à des époques données est invraisemblable: on reprocherait l'occupation des Balkans par les ottomans, alors que nous Français, avons tenu à intégrer des régions européennes entières au sein de l'Empire Français? Que diraient les Italiens si demain on leur jetait à la figure des siècles d'occupation romaine? Les Allemands s'ils étaient exclus pour occupation et asservissement de l'Europe? La domination militaire et politique des Balkans jusqu'au XIXe siècle ne peut servir raisonnablement d'argument, pour la simple raison que tous les peuples d'Europe ou presque se sont un jour adonnés à ce type de politique.

- la Turquie n'est pas un pays européen, les Turcs sont culturellement parlant incompatibles avec les Européens. Pourquoi donc? Au XVe siècle déjà, le droit byzantin (et donc romain) exerçait une influence non-négligeable au sein de l'Empire. A partir du XIXe siècle, l'Empire ottoman s'est fortement inspiré de l'Europe occidentale: réformes des années 1830, promulgation de la première constitution du monde musulman en 1876, révolution des Jeunes Turcs, réformes kémalistes... Presque à bout d'arguments, certains décrètent que l'absence d'une démocratie laïque telle qu'envisagée en Europe suffirait à rendre la Turquie culturellement incompatible avec l'Europe. C'est oublier que l'Etat turc est fortement séculier et laïc, et que les droits des minorités religieuses y sont de plus en plus importants. C'est oublier aussi que les pays européens ne sont pas exempts de critiques (l'Italie et l'Irlande sont des pays traditionnellement très catholiques, le souverain britannique est aussi le chef de l'Eglise anglicane, l'un des principaux partis allemands est chrétien-démocrate...). De même, si le renouveau du mouvement religieux inquiète, il est à tempérer: le parti AKP au pouvoir, souvent qualifié de conservateur et proche de l'islam, est aussi le parti qui a fait le plus de réformes pour rendre la Turquie "euro-compatible". Enfin, certains utilisent des cas particuliers et en font des généralités. A les entendre, tous les Turcs commettraient des crimes d'honneur et seraient en partance pour le Jihad. Ils semblent qu'ils ne se rappellent plus ce qu'était l'Europe il y a seulement 50 ans: une terre conservatrice et profondément religieuse (rien qu'en France, la loi IVG ne date que de 1975, et certaines associations fustigent toujours des "meurtres" de nourrissons en se fondant sur... un livre saint). Finalement, l'argument culturel peut se retourner contre ses utilisateurs les plus zélés.

- la Turquie n'est pas un pays européen, car elle ne respecte pas les droits de l'homme. Situation purement conjoncturelle: ce n'est pas parce qu'elle ne le fait pas aujourd'hui qu'elle persistera demain. De plus, si la Turquie figure au premier rang des condamnations de la Cour européenne des droits de l'homme, la France n'est pas très loin, ni l'Italie d'ailleurs...

- la Turquie est trop peuplée pour rentrer dans l'UE. En effet, la Turquie serait amenée en cas d'adhésion à devenir une des premières nations européennes, avec un gros contigent de députés à Strasbourg. Mais en quoi le fait qu'un pays soit peuplé pourrait déboucher sur un rejet de candidature? Y a-t-il des seuils? des seuils suffisamment objectifs pour ne pas viser que la Turquie, bien entendu...

- la Turquie ne reconnaît pas le génocide arménien, ni la souveraineté de Chypre. Certes. Mais c'est conjoncturel là encore. Un problème de nationalisme chauvin, comme en connaissent beaucoup de pays européens. Souvenez vous des "évènements" en Algérie, de la France uniquement résistante (chappe de plomb sur la collaboration), des tensions entre Londres et Dublin,... les Turcs occupent Chypre. Oui. Les Français et les Britanniques ont asservi une grande partie de l'humanité. Ce n'est plus le cas. Déduction logique? La situation peut évoluer, même quand on parle de la Turquie. Au pire cela repousse l'adhésion.

- la Turquie connaît des actes de terrorisme, opprime les Kurdes et se trouve dans une aire géographique dangereuse. Re-argument conjoncturel teinté de mauvaise foi. Parce que premièrement cela peut changer. Et parce que deuxièmement d'autres pays européens se sont trouvés dans la même situation. A classer dans: c'est conjoncturel, non de ****!

- l'adhésion de la Turquie fragiliserait l'économie européenne. Croyez-moi, l'économie européenne craint bien plus les déficits à répétition de ses grandes nations que l'adhésion de la Turquie. L'économie turque est bien plus stable que par le passé, ses partenaires sont presque majoritairement des nations européennes, l'inflation n'est plus si terrible... De plus, la Turquie est un passage privilégié relativement à l'approvisionnement énergétique.

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