jeudi 29 septembre 2011

La valeur d’un serment

Le serment, selon mon Larousse-80’s, est l’affirmation solennelle d’une personne, en vue d’attester la vérité d’un fait, la sincérité d’une promesse, l’engagement de bien remplir les devoirs de son état (officiers ministériels, avocats) ou de sa fonction. C’est également une promesse solennelle. Mon lexique juridique ne s’éloigne guère de cette définition.

Le serment peut être doté d’effets non-négligeables : je pense ici aux serments professionnels, au serment judiciaire, ou encore au serment d’allégeance prêté aux Etats-Unis lors de la cérémonie de naturalisation. De tels serments peuvent être requis par la loi, et s’imposer à un individu. Mais ils sont tous légitimes, du moins dans le principe (dans la forme, c’est autre chose…), parce qu’ils demeurent conditionnés. Après tout, si vous vous trouvez en situation de prêter allégeance aux lois américaines, c’est que vous l’avez bien voulu ; si vous êtes amenés à prononcer la version moderne du serment d’Hippocrate, ce n’est certainement pas par pur hasard.

En revanche, un serment rendu obligatoire pour tous les citoyens Français pose de nombreuses questions. La première est la suivante : que faire face à une personne qui refuse de prêter un tel serment (mettons, par exemple, que la spoliation légale soit érigée en valeur) ? On lui refuse la citoyenneté française pour refus d’adhérer à des valeurs qui n’en sont pas ? Le deuxième est liée : qu’est-ce qui garantit le citoyen contre un changement desdites valeurs (exemple : vous avez prêté serment de respecter les valeurs de la République, et dix ans plus tard, le serment est changé au profit d’autres choses que l’on appelle « valeurs de la République ») ? Parce qu’après tout, une valeur, dans l’esprit des politiciens, est une notion finalement très molle et très floue que l’on peut changer au regard de la prochaine échéance électorale. La troisième est une question d’ordre temporelle, elle aussi : que faire des citoyens qui sont trop âgés pour avoir prêté un tel serment ? Va-t-on leur faire l’affront de requérir une telle prestation de leur part ? Va-t-on considérer qu’ils ne sont pas concernés, eux citoyens adhérents TOUS pleinement aux valeurs de la République, alors que leurs enfants, eux futurs citoyens nécessitant une profession de foi laïque pour se comporter aussi civiquement que leurs parents, le sont ? La quatrième question tient à la valeur même du serment : que vaut un serment obligatoire et prononcé par tout le monde sans exception ? La dernière question (qui me vient à l’esprit, la liste n’est pas exhaustive) est d’ordre pratique : est-ce vraiment par un tel serment que l’on va régler le moindre problème ?

Ce type de serment est une idée ridicule. Elle part du principe que sans « certificat de civisme », le Français n’en est pas vraiment un, puisqu’il refuse d’adhérer aux « valeurs » nationales. Un principe qui fait primer la collectivité sur l’individu, qu’elle ait tort ou raison. Qui refuse d’admettre que l’adhésion à de telles valeurs puisse être normale, quasi-inconsciente, ne nécessitant pas de procédure particulière. Qui avoue, l’air de rien, qu’il faut bien expliciter ce que sont ces valeurs puisqu’on ne peut plus vraiment les observer en observant simplement la loi.

  Un serment, pour moi, a toujours été une histoire de conscience, un problème individuel d’ordre quasi-religieux. La plupart du temps, lorsqu’on l’exige de vous, c’est que l’on accorde une très grande confiance à votre sens moral. Ce genre de chose n’a rien à voir avec la citoyenneté: cela procède alors d’une forme de défiance à l’égard de ceux dont on doute de la véracité du sentiment national (s’il existe).

  Je conçois aisément que l’on puisse se sentir (très) irrité à la vue de jeunes (et de moins jeunes) Français se proclamant plus Algériens ou Marocains (ou Népalais) que Français, tout en continuant à bénéficier des avantages extraordinaires liés à leur nationalité et pouvant (rien ne dis qu’ils le font, chacun est libre de ce côté là) bénéficier de ceux liés à la citoyenneté. MAIS l’établissement d’une version moderne du certificat de civisme ne changera rien. Il va seulement transformer un engagement solennel en promesse sur laquelle il ne faut pas compter: la définition exacte du serment d’ivrogne (merci Larousse-80’s)

Aucun commentaire: