dimanche 7 septembre 2008

Le paquet fiscal II

Point de vue II: le paquet fiscal selon d'autres
Les économistes ne partagent apparemment pas l'optimisme gouvernemental. La dégradation de la conjoncture semble même éclaircir les consciences...
  1. Premier point, les mesures prévues par la loi TEPA ont un coût, non négligeable pour un budget pratiquement aux abois. La déductibilité des emprunts immobiliers coûte plus d'un milliard d'€ par an; le bouclier fiscal à 50%, 213 millions d'€ (c'est moins, il est vrai, que les 600 millions prévus et tant critiqués à gauche)... La facture de l'ensemble de la loi TEPA est salée: 8 milliards d'€ en 2008, 13,5 milliards d'€ par an à partir de 2009. c'est beaucoup, si l'on considère que le gouvernement va devoir financer plusieurs autres réformes, notamment le RSA, qui va coûter 1,5 milliard d'€. C'est trop, si l'on ajoute le faible avancement de la rationalisation des dépenses publiques et les rentrées fiscales amoindries par cette conjoncture qui fait la grise mine, sans parler de la nécessité de ne pas creuser le déficit public...
  2. Deuxième point: les mesures n'ont pas que des effets bénéfiques. Les heures supplémentaires défiscalisées permettent à certains patrons (intellectuellement malhonnêtes) de remplacer les augmentations et autres primes par des heures sup', justement (puisqu'ils ne paient pas de charges); ces dernières ont aussi dissuadé d'autres à embaucher (puisqu'un recours massif aux heures sup' évite de s'encombrer d'un sympathique collaborateur en plus). Le crédit d'impôt sur les emprunts immobiliers profite à de nombreux ménages qui les auraient de toutes façons contractés (la mesure n'a donc pas que des effets incitatifs). L'allègement des droits de mutation permet à des ménages plus fortunés de donner davantage à leurs proches, et ressemble plus à une mesure gadget: la grande majorité des donations était déjà exonérée!
  3. Troisième point: la quasi totalité de la loi TEPA sont destinées à stimuler la demande (l'exception, c'est l'aménagement de l'ISF, qui permet de soutenir les PME). c'est un problème. Car ce n'est pas la priorité. C'est un problème, bien sûr, mais ce n'est pas la priorité. La priorité, comme l'indique assez bien M. Peyrelevade, le banquier préféré de la gauche (il fut memebre du cabinet Mauroy lors du tournant de la rigueur, au début des années 1980), c'est de restaurer la compétitivité des entreprises françaises, en un mot pratiquer une politique de l'offre. car depuis des années, la croissance profite plus aux salariés qu'aux entreprises. En effet, entre 2002 et 2007, les salaires ont, en moyenne, augmenté de 5% (14% si l'on prend en compte l'inflation): le pouvoir d'achat des Français a augmenté plus vite que la productivité des entreprises, industrielles notamment. La marge de ces dernières serait d'ailleurs la plus faible d'Europe. Ces gains de pouvoir d'achat ont-ils été efficaces pour l'économie tricolore? Pas sûr... dans une économie ouverte, cela risque plus de creuser le déficit commercial en stimulant les importations.

Il n'y a qu'à reprendre l'excellent exemple du début de la présidence de François Mitterrand: la gauche voulait alors relancer l'économie par la consommation (un peu comme maintenant, en somme). Du coup, et assez brutalement d'ailleurs, on augmente fortement et rapidement les allocations familiales, le SMIG, le minimum vieillesse, on accroît la dépense publique de 27,6% en 1982, on fixe la retraite à 60 ans, on abaisse autoritairement la durée hebdomadaire de travail de 40 à 39 heures. Le tout avec plus de célérité que de discernement. Retour de bâton tragique: la demande augmente fortement, mais l'appareil industriel français n'a pas été préparé: la hausse de la demande profite aux importations. la hausse du pouvoir d'achat n'aide pas les entreprises tricolores, la balance des paiements s'en ressent avec une vitesse incroyable, et les voyants virent tous au rouge à l'automne 1982. L'erreur de la gauche? Avoir surestimé la faible productivité de l'industrie française, tout en lançant trop rapidement ses réformes en tablant sur un retour de la croissance... Revenons en 2008 et à notre paquet fiscal relanceur de demande.

Avec lui, la droite conduit une politique de gauche, que la gauche critique avec ses termes habituels ("cadeaux faits aux riches), que les économistes jugent peu efficace et indigne de la droite, pendant que le banquier issu de la gauche mais passé au centre préconise une politique de droite. Et pendant que l'hôte de l'Elysée espère réussir son pari économique malgré la conjoncture maussade. Etrange, non?

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