jeudi 25 novembre 2010

A la mode

  Etre à la page, surfer sur la vague, se trouver en totale symbiose avec le courant dominant, c'est une nécessité vitale pour le politicien. Elle se traduit bien évidemment dans le langage (avec des flops hilarants parfois) et dans le style vestimentaire, mais pas seulement. Les idées aussi sont touchées. Et aujourd'hui, ce qui est "in", c'est de consulter. Du moins, de faire semblant de consulter. Lorsqu'un politicien se trouve face à un problème, réel ou supposé, il consulte les personnes intéressées et experts autoproclamés, il se fait arbitre d'une graaaande consultation nationale ou sectorielle. Si le problème est un problème persistant, on change de registre; il ne consulte plus, il délègue et se décharge sur une entité créée pour l'occasion (dénommée, au choix, Haute Autorité ou Observatoire).

  La presse rencontre des difficultés, et -oh, surprise- il se trouve qu'il reste des euros à dépenser? Voilà une occasion rêvée pour réunir les Etats généraux de la presse! La politique industrielle laisse à désirer? Vite, des Etats généraux de l'industrie! Le problème est plus important? Hors de question de réunir les Etats: la procédure est alors de tenir un Grenelle.

  La justification de la réunion de tels conclaves est difficile à trouver. D'aucun tendent à considérer qu'elle réside avant tout dans une manoeuvre à but communicatif: quand on réunit une telle assemblée, on fait "à l'écoute", "sage", "ouvert", "démocrate", et les décisions passent mieux. Pour ma part, je penche vers un réel manque de principes et d'imagination au sein de notre classe politique...

  Au delà de la justification, la méthode me laisse TRES sceptique. On réunit en grande pompe les personnes et groupes d'intérêts que l'on juge (seuls) intéressés par la question, avec une large place pour les fameux z'experts; on leur demande d'établir un diagnostic de la situation problématique et de formuler des propositions; on négocie (c'est à dire: on tente de faire passer ses propositions pour celles de l'assemblée réunie); on signe un accord, on dicte au Parlement et on présente la facture à la nation (cette étape peut être reportée, si la réunion n'implique pas l'Etat mais un parti... il suffira d'attendre la prochaine échéance électorale). J'y vois un déni de liberté et de démocratie (même si je ne suis pas de ceux qui réclament la démocratie pour tout, pour moi, Parlement ne rime pas avec "Chambre d'enregistrement des oukases associatives et syndicales"). Et je n'apprécie pas le fait de financer le "Plan Marshall en faveur de..." qui découle de chaque consultation de ce type. Quant au nom... sans commentaire.

  Un jour, les syndicats, associations et sociétés influentes (aidées) auront des sièges attitrés à l'Assemblée (quoi, le CESE?). Vivement 2012 que je puisse me défouler juste un petit peu. Et espérer un changement de mode.

samedi 13 novembre 2010

Jeune, le GVT il te surkiffe grave sa race!

  Une araignée s'était installée dans un coin, mais je viens de la chasser. Ces horripilantes créatures ont la fâcheuse tendance à s'installer dans les lieux manquant d'activité, ne trouvez-vous pas?

  Le ministère de la Culture et de la communication a livré pour l'année de son cinquantenaire une innovation dont il a le secret: la "carte musique", censée permettre aux "jeunes" de 12 à 25 ans de bénéficier de réductions de 50% sur des services de musique en ligne. Quelle que soit l'offre choisie, nous dit le site entièrement dédié à la carte, elle finance jusqu'à 25€ sur un budget de 50€. 
  Pour comprendre le pourquoi de cette innovation, il suffit de demander à la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet, la très contestée HADOPI. La carte musique concourt au développement de l'offre légale de musique en ligne, en favorisant sa connaissance et son utilisation. Le développement de cette offre, au passage, est une mission d'intérêt général "pour la mise en oeuvre de laquelle l'HADOPI s'est vu confier un rôle privilégié par le législateur". J'ignorais que le développement d'une offre commerciale entrait dans le champ de compétence des autorités de l'Etat, pour ma part, et qu'il pouvait être qualifié de mission d'intérêt général lorsque l'offre en question était une offre musicale...
 
  Le lancement de la carte s'accompagne d'une campagne publique de propagande communication s'adressant aux "jeunes", et mettant en scène un "electro night dancer", un fan de rap, et deux autres clichés de jeunes qui peuplent sans doute l'imagination des cadres du ministère de la Culture. Le message? "Arrêtes de faire les choses à moitié, la carte musique t'offre la totale" [dans la limite de 50€, ce qui relativise la totale], "50% de mise, 100% Kiff". Plutôt dégradant et pour le moins ridicule s'agissant de l'image du gouvernement de la République française, consternant pour ce qui est de l'usage de la langue française, paternaliste et ringard ans la manière d'approcher les "jeunes".
  Coût de l'opération: 25 millions d'€. Pas mal, pour un gouvernement engagé dans la réduction des déficits publics. Coût moral de l'opération: incalculable. C'est bien la première fois que j'entends un gouvernement (de droite) défendre le principe consistant à remettre gratuitement à un individu des biens pour le dissuader d'en voler deux fois plus. Ce doit être cela, la magie de la "justice sociale". Je me pose une question. Pourquoi s'arrêter là? Il suffit de donner à un éventuel voleur la moitié de l'argenterie pour qu'il consente à vous régler de sa poche le reste: par cette intervention, vous concourrez au développement de l'offre légale d'argenterie, et vous mettez fin au vol...

 Couplez la carte musique au programme "mon journal offert" (qui a également un site dédié, les hommes d'Etat sont des grands fans du numérique), et vous parvenez à la même conclusion que moi: ce gouvernement doit dégager d'urgence. Et emmener avec lui une partie substantielle de notre classe politique. Si vous ne parvenez pas à cette conclusion, vous êtes un sectaire ignorant et raciste.